On croit toujours que ce genre de choses n’arrive qu’aux autres. Mais pourtant, cette fois, les autres c’était nous.
Il y a environ une chance sur cent qu’un couple ait un enfant qui souffre du spina bifida… Et cette chance sur cent était bien loin dans nos pensées quand nous nous sommes présentés à l’hôpital pour l’échographie des cinq mois. Nous avions déjà eu deux belles filles en santé alors pourquoi les choses seraient différentes cette fois? Une fois le cap des douze semaines passé, nous n’avions aucun doute, tu serais parmi nous au mois de juin prochain.
Mais le destin en a voulu autrement. Les jours qui ont suivi le diagnostic se sont passés dans une sorte de brouillard, comme un cauchemar dont j’aurais tant voulu me réveiller.
Dès que nous avons appris de quel mal tu souffrais, notre décision était prise. Tu ne vivrais pas. Il n’était pas question que tu vives une vie de souffrance, à la merci des autres. Les gens peuvent être si cruels. Je ne voulais pas que quiconque puisse te faire de mal. Nous t’avons nommée Firdaous, qui signifie paradis en arabe. Dans l’espoir que ta courte existence n’ait été que douceur, bien au chaud dans ta bulle d’amour.
Mais si la décision a été facile, il n’en a pas été de même pour la mettre à exécution. Je me souviens que tandis que se répandait dans mes veines le poison qui allait t’arracher à moi, je sentais le froid m’envahir. C’est tellement contre nature que de donner la mort quand on devrait donner la vie. Quand tu es née, le silence résonnait dans la pièce. Déjà ton petit cœur ne battait plus et le mien était marqué pour toujours.
Tu étais si petite, à peine trente centimètres, mais déjà si parfaite. À part ce maudit trou au bas de ta colonne vertébrale, tu avais l’air d’un bébé comme les autres. Tu ressemblais à tes sœurs et tu étais belle. Nous t’avons examinée sous toutes tes coutures. Tes petits pieds que nous n’embrasserons jamais. Ton petit ventre que nous ne chatouillerons jamais. Tes petites mains qui ne tiendront jamais les nôtres. Ta petite bouche que nous n’entendrons jamais rire. Et tes petits yeux, dont nous ne verrons jamais la couleur. J’ai eu le cœur brisé quand j’ai dû te donner à l’infirmière et te dire adieu.
Il y avait, écrit sur le mur de la chambre, un poème que je n’oublierai jamais :
Tu as volé
Jusqu’aux étoiles
Derrière la nuit
Mon petit papillon
Aux ailes de soie.
Aujourd’hui, il y a un an que tu t’es envolée. Il n’y a pas un jour qui passe sans que je pense à toi, mon petit ange. Mais la vie continue. Il parait que ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts. La vraie force, je crois, c’est de continuer de voir la beauté de la vie malgré tout. Je t’ai fait la promesse de ne jamais regretter ton court passage sur terre. Ce sera mon essence pour devenir une personne meilleure et plus spirituelle.
Si je partage ce texte, qui est très intime à mes yeux, c’est pour aider les autres parents qui traversent cet enfer à voir qu’il est possible, avec le temps, de transformer le tourment en paix et la noirceur en lumière…Comme une chenille qui se transforme en papillon.
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.