J’étais tellement heureuse de savoir que tu te faisais lentement une place dans mon ventre. Enfin! Mon rêve de devenir maman allait se réaliser! Quel beau cadeau de Noël tu étais! Ta venue nous faisait vraiment plaisir. J’avais entendu dire qu’un bébé se calme s’il reconnait une berceuse qu’il a entendu alors qu’il était dans le ventre de sa maman, j’ai eu envie de tester cette théorie. À chaque jour avant de dormir, je te chante donc une berceuse même si tu n’entends pas encore. C’est notre petit moment à nous deux.
J’ai attendu quelques semaines avant de l’annoncer à mon entourage et de partager mon bonheur avec eux. Je n’avais pratiquement pas de symptômes de grossesse. Tout allait tellement bien qu’il m’est arrivé de me demander si j’avais rêvé ce test positif. À l’échographie de 12 semaines, j’ai versé une larme en te voyant pour la première fois. Tu étais bien là. Je n’avais pas rêvé ton existence. Ça m’a fait rire de voir que tu avais le hoquet. Tout était normal. J’étais soulagée.
À cause de la pandémie, papa n’était pas avec moi. Dès que je suis rentrée à la maison, je t’ai présenté à lui avec la photo de l’échographie. Papa ne parle pas beaucoup, mais son attitude traduisait sa fierté. Je pensais naïvement que rien ne pouvait arriver après 12 semaines, que ton arrivée était assurée. J’avais tort…
Quelques semaines plus tard, les résultats du Prenatest sont arrivés anormaux. Il y avait des taux d’hormones anormalement élevés. Le stress commence. On devance mon échographie. À 18 semaines, je me présente donc à l’hôpital pour une échographie. Cette fois, papa a été autorisé à venir avec moi. Nous découvrons avec plaisir que tu es un petit garçon. Encore une fois, je vois la fierté dans le regard de ton père et je suis heureuse. Nous restons longtemps seuls dans la salle après le départ de la technicienne. Je ne sais pas si c’est normal, c’est ma première grossesse.
Finalement, la médecin arrive et nous explique qu’il y a des anomalies. Ta main gauche et ton pied gauche sont anormalement gros, comme s’ils étaient enflés. Elle ne sait pas vraiment pourquoi. Elle propose de nous faire rencontrer l’équipe de génétique immédiatement pour investiguer. On nous parle de syndromes génétiques rares. On nous propose une amniocentèse. Nous acceptons. Nous ne voulons pas rester dans l’incertitude. J’ai à peine senti l’aiguille traverser mon ventre. J’étais bouleversée. Mon esprit était ailleurs.
En quittant l’hôpital, j’étais incapable d’arrêter les larmes qui coulaient sans cesse en réalisant que tu allais être malade dès ta naissance. Nous étions anéantis. Nous avons vécu les semaines suivantes avec la peur au ventre tout en se préparant mentalement à l’éventualité de vivre avec un enfant malade dès sa naissance.
Les résultats de l’amniocentèse sont arrivés au compte-goutte. Une semaine après le prélèvement, première analyse : normale. Encore 10 jours plus tard, deuxième analyse encore normale. Les derniers résultats tardent à arriver. À 22 semaines, on se présente à une échographie de contrôle, pour voir l’évolution de tout cela. On espère que les anomalies sont miraculeusement disparues.
Malheureusement, ce n’est pas le cas, c’est même plutôt le contraire. La situation s’aggrave. On constate que tous les doigts de ta main droite sont absents. L’enflure est toujours présente sur ta main et ton pied gauche. Et pire encore, ton pied gauche est tellement enflé qu’il est trop lourd pour tes os en formation. Il est question de fracture et d’amputation à la naissance. Ta vie s’annonce difficile. On nous demande alors l’impensable : décider si nous continuons ou arrêtons la grossesse. Nous sommes sous le choc. Nous repartons à la maison le cœur à l’envers, complètement bouleversés et déboussolés par l’épreuve qui se profilait devant nous.
Nous sommes vendredi. Tout le weekend, je suis inconsolable. Comment pouvons prendre une telle décision? Nous en discutons ensemble, papa et moi, ainsi qu’avec nos proches. La phrase prononcée qui m’a le plus apaisée à ce moment-là c’est : « Peu importe la décision que vous prendrez, elle sera remplie d’amour ». Déjà, nous t’aimions tellement.
Finalement, dans la nuit de lundi à mardi, la poche des eaux a crevée. À l’hôpital, on nous explique que c’est beaucoup trop tôt, que tes poumons ne sont vraiment pas prêts à respirer et que cela est très risqué pour toi. Même si tu restes encore quelques temps bien confortable dans mon ventre, tu seras un très grand prématuré avec toutes les difficultés que cela implique. L’interruption médicale de grossesse est nouveau abordée à cause de cette situation, indépendamment des autres problèmes que nous connaissions déjà et qui allaient faire que ta vie allait être remplie de défis. Tout cela, c’est trop. Nous décidons alors de te laisser partir. En réalité, j’ai l’impression de ne pas avoir décidé. J’ai l’impression que la vie a choisi pour nous, la nature a décidé que c’était mieux ainsi pour toi.
On me dit qu’il n’est pas rare que dans ce genre de situation le travail dure plus de 24h. Je débute le traitement. Résignée. Je ne pleure pas. Je suis sur le pilote automatique comme on dit. Tu arrives beaucoup plus vite que ce qu’on nous avait dit! Tout cela s’est passé tellement rapidement. En quelques heures, c’était fini. Tu es arrivé sans vie à 20 avril 2021 à 20h05. Tu étais si petit. On a tout de suite vu que l’enflure avait été causée par des bandes amniotiques. On voyait les fils enroulés autour de tes membres qui faisaient comme un garrot. Tu es si beau. Un parfait mélange de nous deux. Tu as mon menton et le nez de papa.
Je ne suis pas restée longtemps avec toi, j’ai dû aller au bloc, mais papa a pris le relais. Avec l’infirmière et ma meilleure amie, ils ont pris des photos. Ils t’ont pesé. Ils ont pris les empreintes de tes mains et de tes pieds, même s’ils étaient anormaux. Ils ont préparé une belle boite souvenir à ta mémoire. Papa a eu un moment de recueillement seul avec toi pour te faire ses adieux pendant que j’étais absente. Le lendemain, j’ai moi aussi eu mon moment seule avec toi. J’ai pris le temps de te parler, de t’aimer et de te chanter ta berceuse pour la dernière fois.
Quand j’ai appelé l’infirmière pour qu’elle revienne te chercher, j’étais prête à te laisser partir. J’avais complété mes adieux. La pandémie nous a privés des services de photographie professionnels offerts par Portraits d’Étincelles, mais au moins, nous avons pu faire retoucher les photos que nous avons prises.
Léo, tu as fait de moi une maman. Tu as fait de nous une famille. La vie nous a joué un sale tour. Ce n’est pas la faute de personne. Nous l’avons accepté et cela a facilité notre deuil. Choisir de te laisser partir a été la décision la plus difficile de notre vie, mais mon amie avait raison, cette décision était remplie d’amour. J’aime parler de toi. Je ne veux pas que mon entourage t’oublie parce que, même si tu n’as vécu que dans mon ventre, ton existence est bien réelle.
Nous venons de vivre ton premier anniverciel et je pense beaucoup à toi. Tu es aimé mon Léo.
Maman xx
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