Ça fait un bon moment que ma vie a basculé, a changé. Mon premier garçon, il y a 5 ans, tu venais au monde, silencieusement. Non, pas silencieusement, dans un « splouch » de liquide amniotique, ce « splouch » qui résonne encore dans ma tête. Tes 27 semaines dans mon ventre te tenaient au chaud, baigné dans tout l’amour que je pouvais te donner. Mais ce n’était pas assez. Il te manquait des codes, des codes du chromosome 4, ce chiffre qui me suit… Ces codes qui t’auraient permis de parler, de marcher, de goûter et de nous reconnaître, nous tes mamans.
Ça fait un bon moment que je ne vois plus la vie de la même façon. Je pense à toi à tous les jours, parfois sereinement, d’autres fois pas du tout. Je me rappelle cette chanson “Everything is gonna be alright” qui nous a réveillées ta maman et moi le 31 août, ce matin où tu as pris tes ailes d’ange, encore dans mon ventre. Le matin où tu t’es envolé vers un monde qui ne te ferait pas souffrir, un monde meilleur pour toi. Ce matin où j’ai dû dire, oui, ma décision est prise. Oui, on arrête la grossesse. Oui, on arrête sa vie. Ce 8h30, où dans ma tête, par manque de force ou d’énergie de le dire à voix haute, j’ai dit : « P’tit bébé, p’tit Brian, ne m’en veut pas, je le fais pour toi, par amour pour toi ». J’en ai le coeur gros encore à l’écrire même si je n’ai jamais douté de ma décision. Maman Julie me flattait les cheveux, bien impuissante devant ce tsunami d’émotions qui nous habitait. Tu étais bien accroché à moi. Ou bien était-ce moi qui était encore accrochée à toi? Il t’a fallu 36 heures pour qu’on puisse te prendre maman et moi. 36 heures à se regarder, à attendre, à pleurer, à savoir que tu étais encore en moi, mais plus là à la fois.
C’est lors de ce coucher de soleil du 1er septembre que tu es sorti, que tu n’as pas poussé ton premier cri, que tu n’as pas bougé, que tu n’as pas été déposé sur moi pour prendre le sein. Ce 1er septembre qui m’a changée, qui m’a fait devenir maman.
Tu étais si petit, si beau. Tu sentais bon. Je donnerais beaucoup pour encore sentir cette odeur, car elle fait partie du peu de souvenirs que j’ai de toi. Tu n’avais pas de cheveux, ils n’avaient pas encore eu le temps de pousser. Tu avais des poils, ils étaient doux. Ta peau était foncée et douce. Tu aurais été foncé j’en suis certaine. Tu avais mon nez. Tu avais de longues jambes et bien sûr, les yeux fermés. Ça me manquera toujours de ne pas connaître la couleur de tes yeux. Ni ta voix. Je ne t’entendrai jamais. On t’a bercé, on t’a flatté. Je t’ai chanté : « Une chanson douce que me chantait grand-maman… », encore une fois dans ma tête. J’ai tant pleuré en terminant la chanson : « Pour toi oh mon bébé, jusqu’à la fin de ma vie », alors que c’était déjà la fin de la tienne.
Nancy est venue prendre des photos de toi, avec toute sa délicatesse, sa grande âme. Elle t’a trouvé beau aussi et ça m’a fait du bien. Ces photos, je ne me lasse pas de les regarder et parfois, je te présente, avec toute cette fierté que j’ai en moi d’être ta maman. On a passé la nuit ensemble. On a dormi tous les trois. Puis est venu le matin. Quand je me suis réveillée, maman Julie t’avait déjà dans ses bras, elle te regardait avec tant de tendresse. Je crois que c’est à ce moment-là qu’elle est devenue maman, elle. Puis, elle m’a regardée et m’a dit : « Tiens, prends-le, je l’ai réchauffé pour toi, il était froid ». Ouf… tu étais froid, c’est vrai, tu étais mort. Je me suis recouchée et maman Julie m’a dit : « France, tu dormiras plus tard, c’est maintenant le temps qu’on a avec lui, maintenant ». Elle avait raison, allez France, encore un peu de force. Je t’ai pris, je t’ai bercé à nouveau. Maman aussi t’a bercé encore.
Les infirmières étaient douces et nous disaient de prendre notre temps et de te déposer dans ton nid d’ange quand nous serions prêtes à te quitter. Nous avions apporté une couverture que je t’avais cousue, l’hôpital t’a donné une jolie tuque colorée ainsi que des vêtements blancs, tous adaptés à ton petit poids d’une livre. Nous ne voulions pas les laisser ici, nous les voulions comme souvenirs. Mais, comment te laisser nu dans ce nid d’ange? Tu aurais si froid, seul. L’infirmière nous a donc apporté une couverture pour te tenir au chaud et nous lui avons demandé de rester dans la chambre pendant que nous quittions, pour ne pas te laisser seul…
Nous sommes parties retrouver ta grand-maman et ton grand-papa qui nous attendaient à la porte de l’hôpital, bien dépourvus eux aussi.
C’est ce 2 septembre qu’une partie de moi a été laissée dans cette chambre à tout jamais. Et c’est dans ce même hôpital qu’on entendra pousser les premiers cris de tes soeurs jumelles 11 mois plus tard et ceux de ton petit frère 3 ans et demi plus tard. Peut-être y es-tu pour une raison? Peut-être veilles-tu sur ta famille? Peut-être que tu nous regardes dans les bras de ma grand-maman sur votre nuage.
J’ai toujours voulu quatre enfants et, dans mon coeur, vous êtes quatre. Trois qui grandissent et un bébé pour toujours.
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