Par Stéphanie Tanguay
Au petit matin, les paupières closes, tu es arrivée sans faire de bruit… Je suis devenue « officiellement » ta maman, sans jamais connaître le joli son de ta voix, ni même avoir échangé un simple regard, mais malgré tout… Je sais que dans cette chambre, il y a eu plus d’amour que jamais entre toi, moi, ton papa et ta mamie.
Je t’ai bercée pour une unique fois et j’ai dégusté chaque minute passée ensemble. J’ai pris des photos mentales de ce moment unique… Et dans ma tête, je t’ai chanté la berceuse que je te chantais alors que tu étais encore dans mon ventre. Je m’étais imaginée si souvent notre rencontre, mais jamais je n’avais pensé qu’elle se passerait de cette façon…
Ma cocotte, ma fille. Tu es si belle ! Tu ressembles drôlement à ton père, je trouve… Tu as également certains de mes traits. Je t’observe attentivement, j’essaie d’emmagasiner le plus d’informations possible. Tu es d’une beauté à en couper le souffle. Tu es élancée, tu as de longs doigts, de magnifiques pieds… Ta chevelure est légèrement frisottée et très foncée et ta petite bouche en cœur me fait littéralement fondre. Je te berce, je verse quelques larmes en silence, ma mère/ta mamie, mon amour/ton papa sont auprès de moi et assistent à cela…
Lorsque j’ai sonné la clochette et qu’une infirmière est venue te prendre, ce fut difficile, mais ce fut un geste naturel. Je t’ai laissée partir en sachant que c’était la dernière fois que je te voyais…
Mais avant d’en arriver là, il y a eu le commencement…
Le jour où j’ai su que la vie nous offrait LE cadeau d’une vie. Cette nouvelle m’effraya un peu au début, mais mon cœur ne put s’empêcher de s’emballer de joie à l’idée qu’un petit être avait trouvé logis en moi… De ce tout petit toi, je suis tombée follement amoureuse comme je l’étais déjà de ton papa. Et à partir de ce jour, ce petit toi à venir fut ma principale préoccupation.
Les premiers mois se sont écoulés et mon ventre avait déjà un semblant d’arrondi… Pour la première fois, nous découvrions un semblant d’esquisse de notre petit « nous »… Le premier trimestre était derrière nous… les semaines se sont succédées et mon ventre était devenu bien rond. Il n’y avait pas de doute, un bébé était en route et je rayonnais…
L’échographie morphologique arriva très rapidement et, encore une fois, la joie d’apercevoir à l’écran la magie de la vie… ce qu’est la vie à sa plus simple expression. Nous étions heureux et tu gigotais, tu te tortillais tellement…
« C’est un bébé en forme », nous confirma la technicienne. Une deuxième technicienne confirma de nouveau les dires de la première en ajoutant que nous attendions une petite fille en pleine santé. Tu avais déjà ton prénom bien à toi… Alexanne.
Alexanne. C’est ainsi que nous avions décidé de te nommer. Nous avons passé des soirées entières à rêver de toi les yeux ouverts… À imaginer à qui tu ressemblerais. Ton papa a découvert à son tour tes petits coups de pieds que tu faisais sentir comme pour nous saluer. Il t’a chuchoté tant de petits mots doux avant de s’endormir pour la nuit… Vous étiez beaux à voir et j’avais hâte à ce jour où il te prendrait dans ses bras…
Ma grossesse fut idyllique à mes yeux même si j’ai connu les nausées du premier trimestre et que j’ai dû m’injecter du Fragmin tous les jours… peu importe, ce que je devais endurer pour que tu sois là… Je connaissais les risques qu’apporte une grossesse comme celle-ci bien avant d’être enceinte. J’étais prête à tout !
Tout… sauf ça…Les rendez-vous de routine étaient maintenant établis aux deux semaines. La dernière rencontre c’était bien déroulée, le médecin m’avait fait arrêter le travail de soir. Nous étions en juin et, ce matin-là, tu m’as fait ton petit coucou habituel. Par contre, je n’avais pas réellement fermé l’œil de la nuit, tu avais tellement gigotté, plus qu’à habitude. La veille, avant d’aller au lit, tu avais tellement bougé que mon ventre se déformait sous tes coups… Il faisait beau en ce matin de juin et, comme à mon habitude, je sirotais ma tasse de café assise confortablement sur le balcon. J’avais pris congé ce jour-là pour profiter de la journée qui s’annonçait, mon rendez-vous était prévu en début d’après-midi… Pendant l’avant-midi, je me souviens d’avoir finalisé ton sac en me disant que si tu décidais de te pointer le bout du nez à la va-vite… il serait prêt. Je l’ai déposé sur la commode de notre chambre et je suis partie pour le rendez-vous en laissant le pot de peinture destiné pour ta chambre tout près de ta porte. J’étais à 28 3/7 semaines et nous avions convenu, l’obstétricien et moi, que j’accoucherais aux alentours de 37 semaines. Il y avait du retard ce jour-là à la clinique… La salle d’attente était pleine à craquer. Je n’étais pas pressée, mais j’avais hâte d’être assise dans le cabinet du médecin. J’ai senti un léger « poc » dans mon ventre… Une fois entrée dans le bureau du médecin, son pagette sonna… j’avais à peine eu le temps de m’assoir qu’il me dit : « Je dois le prendre ». J’entends vaguement la conversation concernant une autre patiente dont le cœur du bébé a cessé de battre. Ma gorge se noue… Il s’excuse de me faire attendre et je lui réponds que ce n’est rien, mais que je trouve cela triste pour la femme… Il rétorque en disant : « Des fois, ça arrive et on ne sait même pas pourquoi… ». Et il reprend où il en était avec moi avec la routine de l’examen. Il met la gélatine sur mon ventre, pose le doppler et commence… D’habitude, il capte rapidement ta pulsation cardiaque. Aujourd’hui, c’est difficile à trouver… On entend le mien au loin… Et toujours pas ton coeur! Tu es peut-être placée différemment aujourd’hui ? Le médecin cherche, passe et repasse le doppler… Le jeu dure quelques minutes et puis il m’informe qu’il m’envoie passer une échographie à l’hôpital. Branle-bas de combat, je fais des pieds et des mains pour rejoindre quelqu’un pour m’accompagner. J’arrive seule à l’hôpital. J’essaie à nouveau de contacter quelqu’un et, par miracle, ma mère s’en vient. Entre temps, mon nom est appelé pour que j’aille passer l’échographie. J’ai peur de je ne sais trop quoi… Je demande gentiment si nous ne pouvons pas retarder l’échographie de quelques minutes, car ma mère s’en vient… mon interlocuteur me fait signe que oui. Je retourne à la salle d’attente où se retrouvent pleins de femmes enceintes, la plupart accompagnées… Quelques minutes passent, on m’appelle à nouveau… Ma mère n’est toujours pas arrivée. Je n’ai pas le choix… Je dois y aller. On me passe l’échographie et en moins de deux, le diagnostic tombe.
L’image claire, nette et précise de toi inerte sur l’écran.
La technicienne me prend la main et me dit qu’elle est désolée. Elle estime que tu es décédée depuis environ deux heures… Nous étions alors à la clinique médicale.
J’ai dû annoncer à ta mamie et à ton papa que jamais tu ne viendrais vivre avec nous… que tu ne grandirais jamais. De retour à la maison, en attendant que l’on me téléphone pour planifier l’accouchement, je passe une bonne partie de la soirée et de la nuit à penser, à me repasser les derniers jours en tête pour essayer de trouver un petit quelque chose qui aurait pu, peut-être, me mettre la puce à l’oreille. Le lendemain vers midi, le médecin m’appelle et m’invite à me rendre à l’hôpital. Arrivée sur place, j’ai eu droit à la surprise de ma vie ! Ils ignoraient ma venue. Plusieurs prises de sang ont été faites, une échographie pour confirmer ce que je sais déjà et apprendre que je n’ai plus de liquide amniotique. Pourtant, je n’ai pas perdu mes eaux !? Personne ne m’a dit, la veille, que je n’avais plus de liquide amniotique !? Le choc ! Aucune amniocentèse ne pourra donc être faite, un prélèvement de ta peau pour faire la cytogénétique sera effectué. Par la suite, j’ai été déclenchée vers 16h00. Le travail débuta, progressa et douze heures de travail de plus tard, tu es là… Je suis partie de l’hôpital le même jour le cœur lourd avec comme seul souvenir une boite contenant trop peu de choses se raccrochant à toi, ma Alexanne, et la mémoire remplie d’images.
Du temps s’est écoulé depuis ce jour… j’ai appris à vivre avec ton absence, j’ai appris à aimer de nouveau la vie. Je me reconstruis petit à petit et je garde un doux souvenir de toi. Ton bref passage m’a fait grandir en tant que personne. Je t’envoie des bisous soufflés par le vent ma belle petite face d’étoile. Je t’aime…
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