8 janvier 2020 – Échographie de morphologie. Ce matin-là, je suis excitée, nerveuse. J’ai hâte de savoir ce qui se cachait dans mon ventre. De découvrir l’identité de celui ou celle qui me donne autant de maux de cœur, maux de tête et de fatigue. C’est un garçon! On nous demande de revenir deux semaines plus tard puisqu’on arrive mal à prendre la mesure de ses jambes. On nous dit de ne pas s’inquiéter… À la limite, on en rit. Mon conjoint a toujours dit en blaguant qu’il avait de petites pattes!
22 janvier 2020 – Deuxième échographie. On nous annonce que les os longs; les fémurs et les humérus, sont en bas de 5 percentiles sur la courbe de croissance. On remarque également une légère courbure des fémurs. Les os de la cage thoracique sont étroits. On nous parle de la possibilité que notre garçon soit atteint d’une maladie osseuse telle que le nanisme. Mon monde s’arrête. Je ne comprends rien. Comment est-ce possible? Ce rendez-vous qui devait être court devient interminable. On nous questionne sur nos antécédents génétiques et on nous propose de faire une amniocentèse, le matin même, pour en avoir le cœur net. On accepte. 3 à 4 semaines doivent s’écouler avant d’avoir les résultats.
3 à 4 semaines à me questionner, à essayer de comprendre, à chercher des réponses et à anticiper les pires scénarios. J’ai la tête qui spin. Je suis angoissée, j’ai un mauvais feeling. Qu’est-ce qui se passe avec mon bébé? Est-ce seulement un retard de croissance? J’ai peur. Je pleure. J’ai du mal à dormir. J’essaye de relativiser. Quelles sont les probabilités que mon enfant soit atteint de nanisme? Environ 1 sur 20 000.
21 février 2020 – Enfin, le téléphone sonne. Le diagnostic tombe. Mon bébé est atteint d’achondroplasie, la forme la plus fréquente de nanisme. Cette anomalie est le résultat d’une mutation de gènes qui arrive de manière spontanée. En lisant, je comprends que tout le monde peut avoir un enfant de petite taille. Ma pire crainte vient d’être confirmée ; j’accoucherai d’un bébé décédé à 27 semaines de grossesse.
Mon et moi conjoint en avions déjà discuté. L’achondroplasie apporte son lot de complications après la naissance : retard de la motricité, apnée du sommeil, otites récurrentes, troubles de l’audition, troubles respiratoires, douleurs dorsales, compression de la moelle épinière impliquant un risque de paralysie ou d’hydrocéphalie, et j’en passe.
Le jour précédant l’annonce du diagnostic, mon conjoint tombe par hasard sur une vidéo virale sur Facebook d’un enfant de petite taille qui souhaite mettre fin à ses jours parce qu’il vit de l’intimidation. Ça me met à l’envers. La dernière chose que l’on souhaite pour notre enfant c’est d’être malheureux, malade, vivre dans la souffrance physique ou psychologique.
Notre décision est prise. Nous allons mettre un terme à la grossesse.
25 février 2020 – On se rend au CHUS Fleurimont. Vers 11h, le médecin éteint le cœur du bébé tout en douceur. On nous amène ensuite au département de maternité. On m’administre, vers midi, la première dose de Cytotec pour déclencher artificiellement les contractions. La douleur commence à se faire sentir en soirée. On me propose du Fentanyl pour réussir à passer la nuit, ce que j’accepte. Je refuse de supporter plus de douleur que les circonstances m’en apportent déjà.
26 février 2020 – Le lendemain matin, les douleurs se font encore très présentes. J’accepte de prendre l’épidurale. On me demande la fréquence de mes contractions. Je réponds que je ne sais pas, je ressens de la douleur en continue… je ne sais pas ce que c’est que d’accoucher. J’ai toujours mal, je suis tannée, découragée et mon col a peine à se dilater. J’ai l’impression qu’il ne sortira jamais. En soirée, on me donne une dose plus forte d’épidurale. J’ai les jambes complètement gelées, mais le côté droit de mon bassin ne veut pas coopérer. On m’injecte du Dilaudid. Rien n’y fait. Les médecins cherchent d’autres solutions pour me soulager. On me propose de refaire la technique d’épidurale. Au moment où l’anesthésiste s’installe, je sens quelque chose bouger. Le médecin me dit : « Laura, il s’en vient! »
Il aura fallu 34 heures avant de lui voir le visage. 22h05. On dépose mon petit bébé sur moi, je le trouve si beau. Quels sentiments contradictoires! Je me sens soulagée, euphorique et je vis à la fois le plus grand des chagrins. Enfin, je tiens dans mes bras mon petit Thomas. J’avais tellement hâte de le voir. C’est à ce moment précis que je crois avoir touché à ce qu’on appelle l’amour inconditionnel. Je l’aime tellement.
On passe les 3 prochaines heures à le regarder, à lui donner des bisous, à le cajoler. Je regarde avec tendresse mon conjoint qui le tient dans ses bras. J’aurais tant aimé qu’il soit papa. Il aurait fait le plus merveilleux des papas.
27 février 2020 – Tôt le lendemain matin, Emmanuelle Dion, photographe de la Fondation Portraits d’Étincelles vient immortaliser le moment. Notre première et dernière séance photos de famille avec Thomas. Je suis contente qu’on ait pris la décision de faire ces photos. Certains peuvent trouver cela bizarre ou même morbide, mais à ce moment-là, la seule chose qui comptait à mes yeux, c’était de rendre hommage à ce petit ange, qu’il soit mort ou vivant. Ce sera un souvenir précieux. Ce sera également le seul souvenir concret que j’aurai de Thomas, pour le restant de ma vie.
C’est le moment… on doit lui dire au revoir. Le pire sentiment qu’une mère peut vivre; retourner à la maison les mains vides, le ventre vide. On a eu l’impression d’abandonner notre petit bébé à l’hôpital. J’ai l’impression d’avoir laissé une partie de moi là-bas. Je suis anéantie. J’ai le cœur qui veut fendre.
Le plus difficile, c’est de composer avec cet immense vide intérieur. Ce vide qui s’installe dans mes bras, dans ma maison, dans mon cœur. Je sais pourtant que nous avons pris la bonne décision, pour nous, pour lui, mais il me manque infiniment. Je vais m’ennuyer de lui toute ma vie.
Je profite de ce témoignage pour prendre le temps de remercier sincèrement toutes les infirmières qui ont croisé notre chemin pendant notre séjour à l’hôpital. À notre photographe de Portraits d’Étincelles, Emmanuelle, qui s’est montrée empathique, douce et qui a su capter de beaux souvenirs malgré la tristesse qui nous envahissait. Merci également à la Docteure Roy-Lacroix qui m’a accouchée dans la plus grande délicatesse et qui s’est montrée encourageante jusqu’à la fin. Je n’ai que des bons mots à dire sur le personnel du CHUS Fleurimont.
Laura et Michaël
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