Par où commencer… j’écris ces lignes en espérant que ce partage de notre histoire puisse peut-être soulager la douleur, la tristesse et les larmes qui m’habitent en ce moment.
La gorge nouée j’espère que ces quelques lignes me permettront de me libérer un peu et de laisser place à l’acceptation face à l’incompréhension. Je ne pourrai jamais oublier toutes ces merveilleuses personnes que nous avons rencontrées en passant par le personnel médical du CHUL, la Fondation Portraits d’Étincelles, parents et amis qui nous ont apporté et qui apporteront leur soutien, réconfort et leur aide tout au long de ce dur processus. Oui, je parle de processus, car il y a différentes étapes… c’est un combat, une dure épreuve que nous vivons et que nous devons surmonter et passer à travers. Je vais tenter de raconter l’histoire de toi mon petit homme, mon p’tit garçon spécial que nous avons dû laisser partir beaucoup trop tôt à 33 2/7 semaines de grossesse.
Ton départ remonte à déjà plus de 3 mois. Il s’est passé un jour, puis une semaine et puis un mois du moment où tu as déployé tes ailes et où tu as pris ton envol comme un petit papillon vers le ciel. Chaque jour, tu n’y es peut-être pas physiquement, mais je te sens à mes côtés par le vent qui m’efflore, je te vois dans la lumière qui m’éblouit et je t’entends par le son de cette douce mélodie.
Chaque personne vit le deuil d’un être cher de manière différente et à son propre rythme. Je suis là, assise à contempler les seuls souvenirs que j’ai de toi qui ne sont que dans cette petite boite. À regarder ces merveilleuses photos qu’Amélie de la Fondation Portraits d’Étincelles a prises de toi, à écouter en boucle cette chanson « ton départ » de Marc Dupré et cela me rappelle que tu as existé et que je ne pourrai jamais t’oublier. Par cette histoire, je veux te présenter à ceux qui n’ont pas eu la chance de te connaître, je veux raconter mon parcours houleux pour aider et apporter un réconfort à d’autres parents qui vivent ou qui vivront une situation semblable.
Je veux vous dire vous n’êtes pas seuls, il faut briser l’isolement. On me dit souvent que ça ira avec le temps, de me laisser aller et oui ça fait du bien de pleurer on en a tous le droit. Nous aimerions tellement arrêter l’instant d’un moment de revenir dans le passé, mais nous ne pouvons pas. Nous devons y faire face, nous devons nous battre et rester forts pour continuer et aller de l’avant. Oui c’est difficile, nous passons par tellement de gammes d’émotions. Il faut avant tout se laisser du temps, se respecter et vivre chaque petit moment intensément. PERSONNE ne devrait vivre cette terrible épreuve surtout pas la perte d’un enfant si petit, si fragile et si inoffensif qui était tant attendu. Je n’aurai jamais cru avoir à vivre cela… on pense souvent qu’on est à l’abri, que cela n’arrive qu’aux autres. Mais non… pas cette fois-ci.
Jamais je n’aurais cru sentir un attachement si présent, si fort envers toi qui grandissais en moi. Dès le premier jour où j’ai vu les 2 petites lignes, que j’ai fixé mes yeux sur cet écran, que j’ai entendu tes battements cœur et que j’ai senti tes petits coups de pieds, j’ai su que c’était un amour inconditionnel que j’avais envers toi. Il est difficile de comprendre ce qui nous est arrivé, tout s’est tellement passé si vite. Nous avons la chance d’avoir des gens exceptionnels, une famille extraordinaire près de nous à notre écoute et il est important d’être bien entouré. Tous semblent vouloir tout faire pour nous, vouloir prendre une partie de notre peine. Il n’y a pas de mot… il faut être présent tout simplement. Un sentiment de compassion, de réconfort vient nous envelopper, mais cela ne te ramènera pas, le mal est là le sentiment de solitude nous envahit. Une partie de nous est partie créant un grand vide. La grossesse a été pour moi une montagne russe d’émotions et d’épreuves du début à la fin. J’ai eu la chance de vivre 33 semaines de grossesse en même temps que ma sœur jumelle… nous n’avions que 3 jours de différence. Une belle histoire de complicité que nous avons elle et moi depuis notre tendre enfance nous permettait de vivre une expérience des plus magnifiques encore une fois… Mais nous n’envisagions pas une fin de grossesse comme celle-ci. C’est encore plus difficile de le vivre lorsque tu vois ta moitié profiter de ce que toi tu ne pourras pour le moment.
J’ai appris que j’étais enceinte de toi le 25 décembre 2015. Au début de ma grossesse, vers 10 semaines, j’ai eu des saignements et ce n’est que vers 12 semaines que j’ai su que c’était un hématome. À cet instant-là, je ne voulais tellement pas te perdre, je vivais beaucoup de stress puisque c’était ma première grossesse. Pour nous donner toutes les chances, on m’a mise au repos et l’hématome s’est résorbé à 20 semaines. Lors de l’échographie morphologique, nous avons appris que tu étais un garçon!!! Ton père et moi étions ravis et ce que nous souhaitions le plus est que tu sois un enfant en santé. À partir de ce rendez-vous, j’étais suivie de près par les médecins, car on disait que tu étais petit, mais on voulait quand même s’assurer que tu prenais au moins ton poids minimum. Tout le monde me disait de ne pas m’en faire, mais le sentiment qu’une mère peut avoir est si fort, « on sent les choses ».
À 30 semaines, on décida de me faire rencontrer le généticien du CHUL pour étudier les antécédents familiaux, car les données te concernant étaient sous le 10e percentile. Je me souviendrai toujours de cette date – lundi 4 juillet 2016. Après la rencontre, le généticien me proposa de faire une amniocentèse pour connaître les causes du retard de croissance que tu avais. Celle-ci s’est bien passée, tu n’as eu connaissance de rien. Je crois que nous avons plus peur que de mal. On m’avait expliqué que nous aurions certains résultats dans un délai de 24-48 heures et que les autres résultats pouvaient prendre deux voire même trois semaines de délai. L’attente était très longue, nous souhaitions du plus profond de notre cœur que tout soit parfait. On ne s’imaginait pas le pire.
Les premiers résultats de l’amniocentèse (FAST) ont été très favorables. Tout semblait normal. Enfin des bonnes nouvelles, mais il restait les résultats finaux à obtenir. C’est le vendredi 15 juillet 2016 au matin que ma vie a été bouleversée. J’ai reçu un appel… c’était le généticien qui nous demandait de nous rencontrer le lundi. Le généticien m’avait annoncé par téléphone que si celui-ci nous demandait à nous voir c’est qu’il n’avait pas de bonnes nouvelles et qu’il voulait en discuter avec nous. Nous avons alors réussi à avoir une rencontre dans la même journée, car nous ne pouvions pas passer une fin de semaine dans l’angoisse.
Je savais à ce moment-là que tu avais quelque chose de grave. À notre arrivée au CHUL, le médecin était là avec les résultats. J’étais assise avec papier et crayon attentive à ce qu’il disait et j’essayais, entre mes pleurs, d’assimiler les termes utilisés. Nous parlions à ce moment-là d’une délétion et une duplication pathogénique chez toi, avec une monosomie partielle du bras court du chromosome 4 (Syndrome de Wolf-Hirschhorn) et une trisomie partielle du bras court du chromosome 8… 1 cas sur 50 000… « une erreur de la nature » selon les tests sanguins que nous avons passés. Un cas rare… un médecin nous a mentionné que cela était sont 4e cas en 20 ans de carrière. Et un autre n’avait jamais vu cela en 23 ans de carrière.
Ton père et moi avions la pire décision à prendre dans une vie : interrompre la grossesse pour ton bien-être vu l’ampleur des résultats (modérés à sévères) ou continuer? Nous avons considéré la qualité de vie que tu aurais et nous savions que tu ne voulais pas d’une vie comme celle-là.
Nous avons aussi dû nous soumettre à une procédure spéciale pour pouvoir médicalement interrompre la grossesse au 3e trimestre. Un comité d’éthique devait indiquer son acceptation ou non à l’interruption de la grossesse vu les circonstances et les résultats obtenus de l’amniocentèse. Il doit y avoir une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une anomalie fœtale grave. Il s’est passé 6 jours entre le moment de l’annonce et le moment où j’ai été admise à l’hôpital. 6 jours où je me posais de nombreuses questions, où je doutais de la véracité des tests, 6 jours à contempler ma bedaine et à profiter des derniers instants avec toi.
À mon grand désespoir, je devais accepter de te laisser partir. Tout d’abord, on a fait arrêter de battre ton petit cœur. Celui-ci s’est éteint le jeudi 21 juillet 2016 à 11 h 59.
Par la suite, j’ai été provoquée et j’ai accouché naturellement de toi après 21 heures de travail. J’ai eu droit à la péridurale dès que je la voulais… ne voulant pas me faire souffrir davantage, car c’était déjà assez difficile comme cela. Je t’ai donné naissance le 22 juillet 2016 à 10 h 35 du matin.
Et là, la fameuse rencontre que tout le monde désire et attend impatiemment durant ces 9 mois. Pour nous, cela a été un moment des plus durs à vivre. Une rencontre pas comme les autres. Pas de premier souffle, pas de premier cri. Le silence total et la tristesse régnaient dans la chambre. Devant cette lumière bleue scintillante de ton lampion allumé, les larmes ne faisaient que couler. De voir ton petit corps inerte à mes côtés, de ne pas sentir ta respiration et tes petits battements de cœur lorsque je t’ai pris m’a déchirée. Mais tu étais magnifique!
Je ne voulais pas avoir de regret. Je voulais te donner tout l’amour que je t’aurais donné le peu de temps que je t’avais avec moi. Le fait de te voir, de te prendre, de te laver, de t’habiller et d’immortaliser ton passage avec ces magnifiques photos cela m’a permis d’accepter et d’avancer dans mon processus de deuil. Plusieurs personnes ne pourront peut-être pas comprendre l’importance pour nous de procéder de la sorte, ne l’ayant pas vécu. Mais sachez que cela m’a fait terriblement de bien. Cela n’a pas été facile par contre, car ce sont des moments très intenses en émotions. On se demande comment on va réagir. C’est de l’inconnu, mais une force intérieure m’a permis de me contrôler et de rester forte tout au long de ses deux journées.
Le moment le plus déchirant a été de devoir partir chacun de notre côté… nous avec nos bagages en te laissant derrière nous, mais en sachant très bien que tu es là à veiller sur nous à nos côté. Ouf!!! L’arrivée à la maison l’a été tout autant… nous devions laisser la porte de ta chambre presque terminée fermée. Tout ce que nous avions envisagé et souhaité vivre avec toi devenait poussière ange.
Tu reposes maintenant au cimetière Saint-Charles avec tous les autres petits anges. Un monument en souvenir de nos tout petits y est érigé. J’ai déjà eu la chance d’aller te rendre visite à quelques reprises et j’irai encore m’y recueillir en ta mémoire. Sache que nous t’aimons petit amour et que tu restes gravé dans nos cœurs à tout jamais, car tu fais partie de nous.
Reviens vite!! Je sais que cette fois-ci, tu reviendras en santé. Je termine sur tes paroles qui ont tout un sens pour moi « Fais-moi grand… ».
Ta maman Stéphanie et ton papa Pierre-Luc xxxx
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