Ça m’aura pris 4 ans pour être enfin prête à écrire notre histoire. Je soufflerai mes bougies d’anniversaire dans quelques jours et je m’étais promis, cette année, de m’offrir ce cadeau; celui de parler de toi, de ta venue, de nous …
Ce n’est pas que je n’avais pas envie de le faire avant ou que j’avais honte… c’est plutôt que je ne trouvais pas les mots, pas les bons mots. Les scènes jouaient en boucle dans ma tête, les questions se bousculaient, la peine était coincée dans ma gorge et je tentais autant que possible de me garder la tête hors de l’eau. Me replonger dans cette horrible soirée de janvier était trop souffrant pour maman, tu vois?
Mon petit coeur, je t’offre enfin ce petit bout de nous et sache que tu es et que tu resteras une grande fierté dans ma vie de maman. « Je t’aime jusqu’à la lune et retour … »
Mon corps était extrêmement fatigué. Enceinte de 19 semaines et des poussières de notre 3e enfant, j’avais d’énormes saignements depuis plusieurs semaines. Les douleurs physiques étaient difficilement supportables. Mes angoisses et mes craintes étaient encore pire.
Inquiète, épuisée et rongée par la peur et la culpabilité, je passais le plus clair de mon temps à te parler pour te demander de rester bien au chaud dans mon ventre et qu’ensemble, nous y arriverions. J’avais besoin d’y croire très fort!
Dans la soirée du 4 janvier 2018, tout a chamboulé pour toi, pour papa, pour moi et tes 2 grands frères. Je me suis rendue à l’hôpital puisque j’avais légèrement fissuré ma poche des eaux. Trop tôt, beaucoup trop tôt. Terrorisée à l’idée de ce que pourrait être la suite, je tremblais d’inquiétude. On m’a alitée dans une chambre sur l’étage des naissances. Une chambre très loin dans le long corridor. Loin de l’action, des pleurs des nouveaux-nés, des mamans qui crient à chaque poussée, des visiteurs emballés à l’idée de rencontrer le petit nouveau de la famille, des livreurs de fleurs … Personne n’osait encore me dire ce qui nous attendait … et j’étais encore convaincue que le malheur ne pouvait pas nous atteindre. Pas nous!
On me demandait d’être calme, positive tant que c’était possible. J’écoutais les mêmes chansons en boucle, je flattais ma bedaine. Plus les heures passaient, pire je me sentais dans mon corps. Par contre, je te rassure mon coeur, j’avais vraiment envie qu’on traverse ça et qu’on réussisse à se rendre en juin. Je ne savais pas comment on y arriverait, mais je voulais! Je m’accrochais à toutes les parcelles de lumière qu’on laissait miroiter à chaque examen médical. Il a été question d’une multitude de scénarios : hospitalisation, alitement, hôpital spécialisé en grossesse à risque, etc. Il n’était pas encore question de naissance précipitée et de décès. Nous étions bouleversés, mais confiants. Tu étais tellement désirée et aimée de toute la famille…
Deux jours plus tard, j’étais encore clouée au lit dans ma chambre d’hôpital. C’était l’anniversaire de ton frère Thomas. Il fêtait ses 5 ans. Une journée importante pour lui! Il était fier et moi complètement anéantie. Je me sentais coupable de ne pas pouvoir lui offrir un anniversaire digne de ses cinq chandelles, mais d’un autre côté, ta petite vie fragile dépendait de moi. Donc, nous avons fait une petite fête dans la chambre d’hôpital: tes 2 frères, papa et moi. Thomas l’ignorait, mais derrière mon sourire et mes bisous se cachait une maman profondément inquiète. Je commençais à faire de la fièvre et à avoir d’immenses douleurs au ventre. La fête a pris fin, la chambre s’est vidée des petits invités et on m’a annoncé que tu allais bientôt naître. C’était maintenant inévitable. Rester immobile n’avait pas été suffisant pour que tu te caches encore dans mon ventre.
Mon monde s’est arrêté. J’avais peur. J’étais figée. J’avais mille et une questions et tout allait si vite autour de moi. Mon corps était prêt à mettre au monde un petit bébé, mais pour ma tête et mon coeur, tout ça ne faisait aucun sens.
Alors que je m’apprêtais à vivre la plus difficile journée de ma vie de maman, j’ai appelé une amie et je lui ai demandé d’aller t’acheter une couverture chaude pour ta venue hâtive. Janvier 2018 était glacial et bien qu’on m’avait prévenue que tu n’aurais pas la capacité physique de vivre, j’avais vraiment besoin que tu puisses te blottir au chaud, dans mes bras, enveloppée d’une couverture spécialement achetée pour toi. Il y avait deux doudous dans le sac; un rose et un bleu. Nous ne savions pas encore qui tu étais …
Les infirmières préparaient le nécessaire pour que je t’accouche. J’ai le souvenir qu’elles étaient discrètes, compatissantes et peinées, bien sûr. Ayant eu que des césariennes par le passé, j’anticipais ce qui arriverait. Tu étais notre troisième enfant et tout ce que je vivais était nouveau et immensément épeurant. Ton formidable papa était à mes côtés et essayait de me rassurer tout en étant lui-même complétement perdu dans ce tourbillon d’inconnu.
Le travail a débuté violemment. J’ai accueilli chaque contraction et chaque poussée avec la douleur de te perdre qui me brulait dans la poitrine. C’est à 23h00 exactement, le 7 janvier, qu’on t’a déposée sur moi. Tu es née dans le silence le plus complet et je me souviens combien j’ai trouvé ça difficile à supporter. J’ai alors compris pourquoi j’étais dans cette petite chambre, très loin du tourbillon de l’unité des naissances. Tu auras mis quelques minutes à gigoter sur ma poitrine. Puis, à 23h07, tel un petit oiseau, tu as pris ton envol. Plus rien n’existait autour. C’était que papa, toi et moi. Les larmes remplissaient mes yeux, mais cela ne m’empêchait pas d’être éblouie par ta beauté, ta douceur et ton petit nez retroussé. Je n’avais jamais ressenti cette douleur vive au cœur, ce sentiment de vertige et de terrible injustice. On t’a nettoyée, on a t’a mis un minuscule chapeau et c’est là que papa a sorti la couverture rose décorée de cœurs. Tu étais notre première fille. Papa m’a regardée et c’est lui qui m’a dit : « et si on l’appelait Florence? » Pour moi, c’était devenu une évidence. Tu allais être notre Florence.
J’ai malheureusement dû partir en salle d’opération. J’étais fâchée de devoir me séparer de toi pour le peu d’heures que nous aurions ensemble. Mais, j’ai vite compris, en te voyant dans les bras de papa, que lui aussi avait besoin de ce moment seul avec sa fille. Je suis partie rapidement en civière en lui faisant promettre de te garder au chaud et de te dire combien nous t’aimons. Il t’a bercée, il t’a dit des secrets et couverte de bisous. J’étais dans cette salle d’opération froide, blanche, trop lumineuse et moi j’avais cette impression que je ne serais pas capable de surmonter tout ce qui venait de se passer. De retour dans la chambre, nous avons passé la nuit tous les trois, pour la première et dernière fois. Je t’ai chanté « il y a longtemps que je t’aime, jamais je ne t’oublierai … » une partie de la nuit.
Vient ce moment déchirant et inhumain de devoir quitter l’hôpital, le ventre et les bras vides. J’ai rebroussé le long corridor en chaise roulante en entendant les pleurs, les mamans et les visiteurs. Mon monde à moi s’était arrêté. Le moment d’annoncer à tes grands frères ce qui se passait était, encore une fois, extrêmement pénible. Il y a eu, durant notre conversation, un moment de silence et une petite plume blanche est tombée sur le divan à côté de nous. Du haut de ses 5 ans, Thomas a lancé spontanément : « Ah! C’est Florence, elle est devenue un ange, maman! » J’ai alors immédiatement su que tu étais tombée dans la meilleure des familles. Tu allais vivre à travers nous! Nous allions te faire une place dans nos cœurs, dans nos conversations, dans notre maison. Et c’est à travers le symbole d’une plume blanche que tu laisseras ta marque! Encore aujourd’hui, chaque fois que nous trouvons une plume, nous sommes si heureux de ce doux rappel de ta courte venue dans notre famille.
J’ai mis des semaines à tenter de retrouver mon souffle, des mois à essayer tant bien que mal de sourire, des années à me demander pourquoi une telle épreuve s’était mise sur notre route. À la maison, on parle de toi souvent! Tu es dans mes pensées des tonnes de fois par jour. Nous avons organisé une cérémonie à notre image. Une cérémonie qui a laissé un baume sur le cœur des membres de notre famille.
Florence, merci de m’avoir choisie comme maman. Merci d’avoir cru que j’étais la meilleure personne pour t’accompagner et te faire une place précieuse dans mon cœur. Tu me manques énormément. Je donnerais tout pour que tu puisses être physiquement avec nous. Depuis, deux autres trésors se sont greffés à notre clan. Un beau Édouard lumineux et drôle et, dernièrement, une petite Léa au nez retroussé comme le tien. J’aime t’imaginer sur un doux nuage confortable dans les bras de ta mamie. J’aime quand on me parle de toi, quand on souligne le 7 janvier. Tu prends une place dans ma vie et dans mes pensées et cette histoire, bien qu’elle soit difficile et triste, c’est la nôtre et je la chérirai pour toujours. Je t’en fais la promesse.
Gros bisou Flo xxx
Maman
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