La famille touchée ne le voit sans doute pas, tant elle est submergée par la perte, mais je crois nécessaire d’écrire que tout le personnel de la salle d’accouchement est en deuil, dans ces moments-là. On se parle avec des trémolos dans la voix, on verse une larme, souvent plusieurs, dans un petit coin ou bien ouvertement; on prépare doucement les petits vêtements et la carte de colombe qu’on placera devant la porte de leur chambre d’accouchement.
Mais cette fois-là était différente. C’est-à-dire que moi, j’étais différente. Je revenais de mon premier congé de maternité. J’étais moi-même devenue une femme, une mère, et une nouvelle sensibilité s’était installée en moi à mon insu.
J’ai appelé ma patronne en larmes pour lui expliquer ce que je vivais. C’est elle qui a rencontré les parents, merci à sa compréhension, et moi je suis restée derrière elle, étouffant malgré moi quelques sanglots. J’ai été bouleversée par la force de cette tristesse et, bien que, depuis ce temps, j’aie pu prendre la distance nécessaire pour l’accomplissement de mon travail, ce souvenir restera gravé à jamais en moi, comme témoin d’une solidarité féminine dans cette douleur qui peut parfois interrompre la maternité si cruellement.Martine Aubry,
obstétricienne-gynécologue
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