Les échographies sont des moments tellement excitants pendant la grossesse, car ce sont les moments où l’on peut enfin te voir bouger, voir tes bras, tes jambes! Surtout voir que tout est OK! Ces moments généralement si attendus n’ont pas été de tout repos pour toi mon bébé. Échographie après échographie, il y avait toujours un petit quelque chose qui accrochait. Tu étais toujours trop petite… en résumé, on ne voyait rien mis à part ton coeur battre! Ils changeaient ma date prévue d’accouchement constamment. Au fond de moi je me disais « Laissez la tranquille, ça existe des petits bébés! ». Un matin de février, je me réveille, je vais à la salle de bains et là, le cauchemar du sang… J’appelle « matante » Roxanne en pleurs, je panique, j’ai peur. Elle vient me chercher et nous partons pour l’hôpital pendant que Papa travaille. Il me dit toutefois de de ne pas paniquer, que tout va être OK! Il est comme ça ton Papa mon lapin, toujours là pour me rassurer. Arrivées à l’hôpital, ils nous envoient en échographie, je te vois enfin… tu es là pour vrai… avec un décollement placentaire, mais tu t’accroches…
Le médecin me dit de rester au repos total et que tout devrait s’arranger. « Matante » Roxanne veille sur nous mon lapin, elle s’assure que je ne fasse absolument rien pour que tu restes bien au chaud. Papa prend la routine des soupers, s’occupe de ton frère et de ta soeur pendant que maman tricote! Je n’ai jamais autant tricoté dans ma vie. Deux semaines plus tard, nous retournons, Papa et moi, à l’hôpital pour le suivi. Papa te voit enfin à son tour, nous avons le OK tout est beau ! Tu t’es bien accrochée mon bébé. Nous repartons avec le soulagement et le gros sourire. J’arrive à 19 semaines, jour de l’échographie, encore une fois, un problème de mesure. En dedans de moi, j’étais fâchée : « Revenez-en un moment donné de sa grosseur! ». Le radiologiste nous explique que ta nuque « semble » épaisse, alors il envoie une requête à Ste-Justine pour une autre échographie.
22 semaines et 3 jours
Enfin, le jour du rendez-vous tant attendu. Nous faisons l’écho qui dure environs 45 minutes. Nous t’observons… tu es belle, tu es si longue. Grand-maman est avec nous et elle te voit à son tour. Le radiologiste termine de prendre les mesures et il nous dit que la mesure de la nuque n’est plus fiable après 22 semaines, mais il ajoute que pour lui, tu es une belle petite fille en santé, « de ne pas stresser ». Nous sortons du bureau et, pour une fois depuis le début de la grossesse, nous sommes rassurés et soulagés. Comme nous avons également un rendez-vous en génétique, nous parcourons les corridors de l’hôpital et Papa me dit : « on va là pour rien, on sait qu’elle est correcte ». Arrivés dans le bureau du médecin en génétique, elle nous explique que puisque la mesure de la nuque n’est pas fiable après 22 semaines, elle nous conseille l’amniocentèse pour éliminer tout doute quant à la trisomie. Je m’effondre en larmes… ma joie du « OK tout est beau plus de stress » aura duré un gros 15 minutes. Papa et grand-maman me rassurent et ils me disent : « aller, après on va enfin en avoir le coeur net ». Alors, nous parcourons encore les corridors, nous rendons à l’amniocentèse. Papa me tient la main, je pleure… j’ai mal en dedans… je veux juste que tout aille bien, que tu sois correcte mon lapin. Nous retournons à la maison avec, encore une fois, l’angoisse et la peur. Nous essayons de rester positifs… tout va bien aller, tu t’es accrochée au décollement placentaire! 48h plus tard, le téléphone sonne, l’appel tant attendu. Les résultats de trisomie sont arrivés: ils sont tous négatifs! Nous pleurons de joie. Quel soulagement, nous recommençons enfin à respirer. Il reste les résultats de la génétique qui vont prendre 3-4 semaines encore. Mais à ce moment-là, la génétique ne voulait absolument rien dire pour nous… Ces mots étaient classés dans ma tête à la même place que deuil périnatal… Je ne savais même pas que ces mots pouvaient exister…
27 semaines
Le téléphone sonne…Je sais que c’est l’hôpital et je suis contente de répondre, car je me dis « ils vont enfin me dire que tout est beau et que je pourrai enfin profiter de ma grossesse sans stress ». La madame commence à parler… d’une voix qui te fait vite comprendre que ça ne va pas. Elle nous demande de venir à l’hôpital le lendemain matin pour 7h. Je m’effondre en larmes encore une fois et papa aussi… On sait qu’il n’y aura rien de positif au rendez-vous le lendemain. En effet… tu étais très malade mon lapin… ton chromosome 5 s’est brisé. Maman ne comprend rien… comment cela a pu se produire? « Une erreur de la nature »… celle qu’on se dit qui arrive juste aux autres… Mais là, c’est nous « les autres » Elle nous explique que c’est très lourd comme maladie, que ton espérance de vie est restreinte, qu’il n’y a aucun moyen pour te guérir, que tu n’auras pas de qualité de vie. Une erreur de la nature qui arrive à un enfant sur environ 50 000. C’est un coup de poignard en plein coeur qu’on venait de recevoir… Une maladie pour laquelle la mesure de la nuque n’a aucun rapport. À ce moment-là, on s’est dit que la vie a voulu qu’on le sache… sinon on n’aurait pas fait tous ces examens… La personne nous explique les choix qui s’offrent à nous. Mais pour nous, ma belle Daphnée, il était hors de question que tu souffres. Il était dans notre devoir de parents de te libérer de toute souffrance.
4 jours
C’était la fin de semaines de Pâques, nous avions notre rendez-vous de IMG le mardi. Nous avons pleuré pendant ces 4 jours… Chaque coup de pieds que tu me donnais me fâchait… Non, pas contre toi mon bébé, tu n’as rien demandé de tout ça… Maman était fâchée contre la nature… Pourquoi ces coups de pieds doivent-ils être les derniers que nous allons ressentir ?… Pourquoi devons-nous vivre un accouchement qui est censé être l’un des plus beaux jours de notre vie alors que pour nous ce sera un cauchemar… La peur nous habite, nous rentrons dans un monde inconnu… celui du deuil de son enfant… Tout ce que je souhaite, c’est que cela soit rapide et sans aucune complication… C’est déjà assez difficile comme cela… Mardi matin, 4h, nous partons de la maison, nous n’avons pas dormi cette nuit-là… C’est le début de la fin…
18 avril 2017
En chemin, nous arrêtons prendre ma maman à moi, ta mamie mon bébé… Un support moral dont nous avons besoin… Nous avons peur… un moment inconnu que personne devrait connaitre… Tu as passé 4 jours à m’écouter et tu as décidé de m’aider à passer au travers de cette épreuve… Encore une fois, seule la nature peut expliquer pourquoi ta tête était déjà fixée… que tu t’étais déjà placée pour ta sortie à notre arrivée à l’hôpital. Vers 9h, j’ai commencé à recevoir les médicaments pour provoquer le travail… tu es sortie à 19h07. Si grande malgré ton retard de croissance… Si belle avec tes longs pieds. Nous t’imaginions tellement plus petite… Au même moment où papa a coupé ton cordon ombilical, un immense coucher de soleil a illuminé la chambre… comme si tu nous envoyais un signe de la nature… comme si tu nous disais « ça va être OK… ». Nous t’avons observée, prise dans nos bras, papi et mamie aussi. Nous avons profité de ta si courte présence seconde après seconde. Ton papa et moi, nous sommes une équipe, nous l’avons toujours été, mais là, nous avons constaté à quel point les deux ensembles nous étions forts. C’est comme si nos cerveaux s’étaient arrêtés, nous ne nous posions plus de questions…
Nous vivions le moment présent.
Au moment où tu nous as quittés, ma Daphnée, tu nous as transmis ta force, celle dont nous avions besoin pour s’accrocher à demain sans jamais oublier hier.
Dans la vie mon lapin, on dit toujours que chaque épreuve doit nous apprendre quelque chose. Tu nous as permis de voir la vie autrement… De profiter du moment présent, tu nous as fait réaliser comment la vie est fragile. L’ampleur de ces mots, nous les réalisons seulement quand nous tombons dans un trou noir. Il n’y a pas une journée où l’on ne pense pas à toi mon bébé. Tu n’es plus là physiquement, mais tu resteras à jamais dans nos coeurs. La douleur s’atténue, mais ne s’oublie pas… Chaque coucher de soleil nous rappelle ta beauté…
Papa et maman t’aiment notre Daphnée et t’aimeront toujours xxx
La phrase « Tu ne peux pas le comprendre si tu ne l’as pas vécu » prend tout un sens maintenant, car c’est entièrement vrai. Les gens peuvent essayer de nous comprendre, mais la douleur ne s’explique pas avec des mots. Nous avons des gens dans notre entourage qui essaient du mieux qu’ils le peuvent de nous comprendre et nous vous en remercions du fond du cœur… Merci pour votre présence. Merci à la Fondation Portraits d’Étincelles d’avoir mis un instant de lumière dans cette journée sombre…Votre équipe fait une réelle différence…
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