Le 1er mai 2020, le monde a vu naître quelque chose de beau et l’a vu partir quelques minutes plus tard. Le jour où j’ai appris que tu étais dans mon ventre, le 26 décembre 2019, j’étais bouleversée, contente, sous le choc et terrifiée. Ma vie venait de changer. Je me suis retenue pour ne pas crier sur tous les toits que tu étais là parce que moi-même je n’y croyais pas.
J’avais tellement hâte à mon premier rendez-vous médical. Le 21 février 2020, j’ai eu la confirmation que tu étais bel et bien installé dans mon ventre. Tu ressemblais à un jelly bean sur l’image de l’échographie. J’ai eu hâte à tous mes rendez-vous médicaux pour m’assurer que tu allais bien.
L’une des journées que j’attendais le plus, mise à part le jour de ta naissance, était la journée pour savoir de quel sexe tu serais. Le 14 avril aurait dû être un moment heureux, pleins d’excitation et de fébrilité. Je m’attendais à une belle journée, mais en fin de compte, c’est là où le cauchemar a commencé.
On m’a informée que ton petit coeur avait un gros problème et que c’était inquiétant. Mon coeur à moi s’est alors arrêté de battre et s’est automatiquement brisé. En même temps, on m’a annoncé que tu étais un garçon. J’étais contente d’en avoir la confirmation, mais je n’étais pas surprise. Je le savais tout au fond de moi depuis le début.
Le 22 avril, mon coeur s’est brisé une 2e fois à Ste-Justine. On m’annonce que tu as une malformation cardiaque très sévère et on m’explique toutes les complications qui peuvent découler de cette maladie.
On m’a donné 2 choix: soit je poursuis ma grossesse et à n’importe quel moment tu pourrais mourir avec ou sans opération ou soit je peux interrompre ma grossesse et te laisser partir. J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps en rentrant chez moi. J’étais vraiment très en colère contre Dieu d’avoir laissé faire ça et de ne pas t’avoir protégé comme les autres enfants. Je ne voulais plus rien savoir de lui.
Après avoir pesé longuement le pour et le contre avec ton papa, j’ai pris la douloureuse décision de te laisser partir. J’ai essayé de profiter des derniers jours qui nous restaient ensemble pour te parler et te rassurer. Pour emmagasiner le plus de souvenirs possibles avec toi. J’étais déchirée par cette décision.
Le 29 avril, je me rends à l’hôpital. Je n’ai pas été capable de rentrer tout de suite. Je n’ai fait que pleurer et pour la première fois de ma vie, j’ai vu ton papa pleurer aussi. Nous sommes restés dehors pendant une heure avant que je rassemble mon courage pour y entrer. Il aurait voulu rester avec nous, mais la COVID-19 avait décidé de nous compliquer encore plus les choses et de rendre cette épreuve encore plus inhumaine.
En soirée, on a commencé à me donner le traitement pour commencer le travail. Le lendemain, toujours rien. C’était comme si tu ne voulais pas partir et moi je n’étais pas du tout pressée de te voir me quitter. Je te sentais de moins en moins bouger dans mon ventre et je ne savais pas si c’était à cause des crampes ou parce que c’était toi qui commençais à t’affaiblir.
Le 1 mai, vers 10h-11h, on a commencé un autre traitement. Malheureusement, celui-ci s’est avéré très efficace. J’ai eu rapidement des contractions très douloureuses. À 12h56, tu es né. Tu étais tellement petit et si beau. La plus grosse surprise était que tu étais vivant! Tu n’as pas pleuré ni crié, mais tu bougeais et respirais. J’ai appelé ton papa pour lui dire qu’il était père. Quelques petites minutes plus tard, alors que tu étais toujours dans mes bras, tu as enfilé tes ailes d’ange et tu es parti. Mon coeur s’est brisé une 3e fois à ce moment-là. Je te remercie tellement d’avoir décidé de te battre assez fort pour me dire au revoir avant de me quitter. Pendant l’espace de quelques minutes, tu m’as fait un beau cadeau.
Tu m’as permis d’être une maman pour la première fois de ma vie.
L’amour inconditionnel, j’ai su ce que c’était grâce à toi. Dès le premier jour, ce n’était plus moi, Chnaïda, qui existais parce que tout ce qui comptait c’était toi: je ne mangeais que pour toi, je ne buvais que pour toi, je ne dormais que pour toi et je ne respirais que pour toi. Tu étais devenu le centre de mon univers, le sens à ma vie. C’était toi et moi contre le monde entier.
Cet amour inconditionnel s’est intensifié dès l’instant où on t’a mis dans mes bras et que j’ai pu voir ton beau visage. Mon coeur s’est brisé une 4e fois lorsque je devais quitter l’hôpital et que tu étais placé dans ton petit lit et que je te regardais t’éloigner. Je suis entrée dans cette hôpital avec toi dans mon ventre et j’en ressors qu’avec une boite avec le bonnet que tu as porté, ta déclaration de naissance, une carte de l’hôpital, une couverture et ton nounours. Arrivée à la maison, j’y ai mis les photos de teséchographies, une photo de ton papa et moi et un cahier pour t’écrire tous les jours. Cette boite blanche est devenue tout ce que j’ai de plus cher au monde parce que c’est tout ce qui me reste de toi.
Kayden, en un si court moment, tu as su changer ma vie et me donner plus d’amour que n’importe qui d’autre en 22 semaines et 6 jours. Ton passage sur terre a été beaucoup trop court. Il n’a duré que 31 malheureuses minutes… c’est tout ce que la vie t’a offert.
J’ai le douloureux sentiment qu’on m’a volé mon temps avec toi, mais je suis tellement honorée de t’avoir connu et d’avoir été ta maman. Par la suite, je n’ai pas d’autre choix que de me réconcilier avec Dieu pour m’assurer que tu auras une belle place au paradis avec les autres petits enfants qui n’ont pas eu de chance tout comme toi.
Je ne comprendrai jamais pourquoi il ne t’a pas protégé de ce triste sort, mais j’avais besoin de savoir que quelqu’un veillait sur toi au paradis. Je te promets de chercher des signes de ta présence à tous les jours. Tu ne seras pas oublié et si jamais j’ai la chance d’avoir d’autres enfants, ils sauront qu’ils ont eu un grand frère très courageux et très fort.
Ça me brise le coeur aussi de savoir que tu ne verras pas certaines belles choses de la vie: tu ne verras pas le beau vert du gazon, les fleurs, les gens dans les rues profitant du beau temps, le soleil radieux et le ciel d’un bleu magnifique ou le bleu profond des lacs ou des rivières ou encore des océans. La musique forte dans les rues, l’excitation des enfants en raison de la fin des classes, la bonne odeur de grillades qui embaume le quartier. Ça, mon petit amour, ça s’appelle l’été.
Tu ne verras pas les arbres troquer leur vert d’été pour de magnifiques couleurs telles que le rouge ou le jaune, tu ne verras pas tomber les feuilles partout dans les rues. C’est parfois beau et apaisant les journées de pluie. Il y a aussi les belles décorations pour l’action de grâce que les gens mettent chez eux. Quand les oiseaux partent pour des vacances vers le Sud. Ça, mon petit amour, ça s’appelle l’automne.
Tu ne verras pas la toute première vraie neige qui recouvre tout. Celle qui nous transporte dans un autre monde. Une neige d’un blanc magnifique, pur et scintillant. On l’appelle aussi le manteau blanc. Sous ce manteau, on y fête Noël avec de belles décorations et de magnifiques sapins. On fête aussi le nouvel an. Ça, mon petit amour, ça s’appelle l’hiver.
Tu ne verras pas la neige qui fond pour laisser place à la vie qui reprend, les fleurs qui recommencent à pousser, l’herbe qui reprend sa couleur verte, les oiseaux qui reviennent de leurs vacances et la fébrilité dans l’air parce que l’été va refaire son apparition tant attendue. Ça, mon petit amour, ça s’appelle le printemps.
Tu aurais accompli de très belles choses si la vie t’en avait donné la chance et le temps. Je sais qu’un jour on se reverra. Tu seras peut-être tel que je t’ai vu ou tu auras grandi, mais peu importe, je saurai te reconnaître parce qu’une maman reconnaît toujours son enfant parmi des milliers.
N’oublie jamais ce que je te répétais souvent: l’univers est grand à l’infini, mais maman t’aime encore plus grand que ça. Tu étais ce que papa et maman avaient de meilleur à offrir ensemble à ce monde.
Au revoir mon petit ange, mon petit amour, mon petit Kayden.
Et un merci spécial à l’équipe du département de naissance de l’hôpital Cité-de-la-Santé pour la douceur, la gentillesse et l’empathie dont elle a fait preuve à mon égard face à cette épreuve très douloureuse pendant mon séjour à l’hôpital.
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.