Le matin du 8 novembre 2017, tu m’as dit bonjour pour la première fois. Deux lignes roses sur le test de grossesse et je savais que tu étais là… Mon petit miracle arrivé si vite, à peine un mois après le début des essais pour devenir enceinte. Spontanément, ces paroles d’une chanson de Céline Dion me sont venues en tête, et je te les ai chantées : « Oh… mon enfant, dis-moi pour toi à quoi ressemble l’essentiel. Oh… à quand remonte la dernière fois qu’ensemble on a regardé le ciel » (Les yeux au ciel, de Céline Dion). Était-ce un mauvais pressentiment, un indice qu’à peine quelques jours plus tard, tu irais rejoindre les étoiles? Je sortis ensuite de chez moi pour aller acheter un petit article de bébé, qui servirait à annoncer ta présence à ton papa. Mon intuition me guida vers une douce et jolie petite doudou représentant un renard, me rappelant le renard du Petit Prince. En effet, je travaillais sur une version chorégraphique de cette belle histoire d’Antoine de Saint-Exupéry, et le spectacle était prévu en mai 2018, quelques mois avant ton arrivée en juillet. Je remis donc cette petite couverture à ton papa lorsqu’il revint du travail et il fut très heureux de cette nouvelle si réjouissante.
Pendant quatre jours, les 8, 9, 10 et 11 novembre 2017, je vécus en symbiose avec toi, appréciant chaque nouvelle sensation et chaque nouvelle émotion. J’étais une maman, ta maman. Tu m’as accompagnée dans les moments du quotidien, dans la joie comme dans les difficultés. Je n’étais jamais seule et toi non plus, nous étions ensemble pour affronter la vie. Dès la première nuit, je sentis le besoin de placer ta doudou renard sur mon ventre et je dormis ainsi pendant quatre nuits. Au matin du cinquième jour, le 12 novembre 2017, mon cœur de maman s’affola, je ne te sentais plus avec moi. Pourtant, aucun symptôme physique ne m’indiquait qu’un problème était survenu. Mon sixième sens était toutefois alerté, car tu ne communiquais plus avec moi, le lien indescriptible que nous avions déjà semblait disparu. Intérieurement, je te disais « parle-moi, fais-moi un signe de vie »… Mais ce fut plutôt un signe de mort que je reçus quelques heures plus tard. De légers saignements me firent craindre le pire, rapidement suivis par d’intenses saignements accompagnés de vives douleurs et de crampes. À seulement six semaines de grossesse, tu partais déjà et je ne pus rien faire pour te retenir. Tes ailes étaient déjà ouvertes…
Le lendemain, un médecin m’indiqua que je vivais probablement une fausse couche, ce qui fut confirmé par un test sanguin. Je dus passer ce test à plusieurs reprises dans les jours qui ont suivi et je dois souligner l’approche humaine de l’Hôpital de Saint-Eustache. Une petite salle spéciale nommée « Acceuil clinique » évite aux mamans d’attendre parmi tous les autres patients. Quelques infirmières très compréhensives nous accompagnent et s’assurent d’un service rapide. Je compris donc que c’était terminé, déjà. J’ai eu conscience de ta présence en moi pendant quatre jours seulement, mais ce fut bien suffisant pour que je te considère comme mon enfant, mon bébé. Je te vouais déjà un amour inconditionnel et plus fort que tout ce que j’avais connu auparavant. Pourquoi fallait-il que tu partes? Qu’avais-je fait pour causer ta mort? Était-ce une punition qu’on m’affligeait? Comment continuer à vivre sans toi? Toutes ces questions ne me quittaient pas et restaient sans réponses. Malgré tout, j’essayais d’aller mieux, autant physiquement qu’émotionnellement, mais le deuil d’un enfant est si difficile à faire…
L’incompréhension de ceux qui nous entourent nous isole avec notre peine. Une chance que ceux qui l’ont vécu comprennent… J’ai entendu tellement de phases qui m’ont jetée par terre, comme « je suis contente de savoir que vous avez commencé à essayer! », « tu es chanceuse que ce soit arrivé au début » ou « c’est mieux comme ça, il avait sûrement quelque chose de pas normal ». Mais le pire n’est pas ce que j’ai entendu, mais ce que je n’ai pas entendu. La plupart des gens font comme si rien ne s’était passé, comme si tu n’avais jamais existé. Quelques semaines après ton départ, ce fut Noël, et tous les enfants de ma famille et de ma belle-famille ont reçu des présents. Les voir heureux m’a fait du bien, mais je ne pouvais m’empêcher de penser qu’il n’y avait rien pour toi, que déjà tu étais oublié. Pour tout le monde, la vie continuait, et on continuait à annoncer les nouvelles grossesses, à souligner les départs en congés de maternité et de paternité. Une grande place est accordée aux événements heureux, mais quand il s’agit d’un épisode triste et sombre, c’est le silence, ou bien on chuchote rapidement qu’on est désolé. Pourtant, tu as réellement existé pendant six semaines à l’intérieur de mon ventre. Tous tes chromosomes étaient en place, tu étais déjà une fille ou un garçon, ton physique et tes traits de personnalité étaient déjà déterminés. Ton cœur avait commencé à battre, et tu ressemblais déjà à un tout petit bébé. Mais quelque chose s’est passé, on ne saura jamais quoi exactement, et tu es décédé. Toi, un petit être humain qui vivait, mon enfant qui serait né aujourd’hui, la mort t’a emporté. Où était rendue ton âme de petit bébé, te sentais-tu seul sans tes parents à tes côtés? J’étais une maman en deuil, mais pour la société, ce n’est pas une vraie mort, puisqu’ « il n’a pas vécu ». Mais mon cœur de maman était en lambeaux, ce fut la plus grande peine de toute ma vie et ça l’est encore. J’ai même dû interrompre mon processus de deuil pour me battre pour conserver mon emploi, puisqu’exactement au moment où tu es parti, mon employeur a décidé de remettre en cause mes capacités à occuper mon poste. Pendant que j’étais occupée à traverser cette autre tempête, à subir une expertise et à récupérer tous mes dossiers médicaux, je n’avais plus la force de prendre soin de ma peine.
Un an plus tard, je suis encore là, à vivre sur cette Terre sans toi, parce que j’ai trouvé des personnes et des œuvres musicales et littéraires qui m’ont permis de survivre. Céline Dion, Lynda Lemay, Marie-Denise Pelletier, Étienne Drapeau, Grand Corps Malade, Coby Grant et les Piano Guys, tous des artistes dont les chansons sur le deuil périnatal m’ont bercée dans les plus durs moments. Je les écoute encore lorsque tu me manques trop. Les livres sur le deuil périnatal, surtout le roman « L’étoile enfant » de Nicola Ciccone, ont été d’un grand soutien, souvent mes bouées de sauvetage pour traverser les longues nuits blanches mais tellement noires. Les groupes d’entraide sur Facebook sont aussi d’un grand soutien, tout comme les témoignages de personnes autour de moi qui ont aussi vécu la perte d’un petit bébé. Mais ce qui m’aurait le plus aidée, c’est de pouvoir m’accrocher à un réel souvenir de toi. Une photo d’échographie, une photo de toi, une empreinte de ton petit pied, le souvenir du son de ton cœur qui bat; je n’avais rien. Absolument rien, un vide total, juste les souvenirs des sensations de toi dans mon ventre, avec la peur terrible de les oublier. J’ai tout de même conservé dans une jolie boîte quelques objets qui me font penser à toi, comme le test de grossesse, quelques fleurs séchées d’un bouquet qu’on m’a offert, des cartes et deux décorations de Noël que j’ai choisies pour toi et qui seront dans mon sapin chaque année. Et bien sûr, ta petite couverture que je n’ai jamais réussi à ranger longtemps dans ta boîte-souvenir, tellement j’en ai encore besoin…
En avril 2018, deux petites lignes roses apparurent à nouveau. Un bébé espoir avait fait son nid, petit arc-en-ciel apportant de belles couleurs avec lui. Chaque jour, la peur de le perdre ne m’a jamais quittée, mais tu protèges si bien ton petit frère, tel un ange gardien qui veille sur lui. Maintenant enceinte de 33 semaines, je garde espoir qu’il nous arrivera en pleine santé. Tout le monde me parle de lui avec joie et bonheur, comme si tu n’avais jamais existé. Mais même si ton petit frère m’apporte énormément de bonheur, je porte toujours une grande peine de t’avoir perdu, et je me sens souvent très seule avec ce chagrin. Un jour, j’ai partagé sur Facebook une photo de moi sur laquelle je suis souriante, en belle robe et avec mon ventre d’une trentaine de semaines de grossesse. Résultat : 45 « amis » l’ont aimée, et une dizaine d’autres l’ont commentée. Une semaine plus tard, lors de la Journée mondiale de sensibilisation au deuil périnatal, j’ai partagé une autre image, que j’avais créée en hommage à cette journée. Résultat : 5 amis seulement l’ont aimée. Il ne s’agit aucunement de faire une course au plus grand nombre de « j’aime », j’ai surtout compris que les réseaux sociaux ne sont pas d’une grande aide pour traverser une telle épreuve. Toutefois, les faits démontrent tout de même qu’on y valorise le positif, le beau et le joyeux, qu’il soit vrai ou mis en scène, et que les moments difficiles qu’on ose partager sont la plupart du temps ignorés.
L’important, c’est d’avoir dans la vie réelle quelques personnes sur lesquelles on peut compter et qui nous comprennent. Jamais je ne t’oublierai mon bébé d’amour, mon premier enfant, toi qui as fait de moi une maman pour la première fois. Merci d’être passé dans ma vie, et merci de protéger si bien ton petit frère. J’espère que tu es bien là où tu es et j’ai hâte de te retrouver.
Ta maman qui t’aime xxx
Une chanson dédiée à tous les parents en peine, et à leurs enfants.
In dreams, de Jay Jagdeesh.
« Know you are loved, rest in peace
Dream your sweet dream, till your soul is released
Beloved Child, my heart is yours
Beloved Child, go out and open doors
With your love, with your faith, with your compassion
With your grace, oh with your grace
Beloved Child, you are the light of the world
Beloved Child, go out, spread light to the world
Be strong, be kind, be brave, know your mind, know that you’re are divine
Know that it’s alright to be afraid… »
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